Quand boire ses vins
Pas tout de suite, mais sans trop attendre, puis après avoir été patient.
Article écrit en juillet 2021 (pour donner une référence de temps).
Il est impossible de proposer des règles universelles pour tous les vins. Les lignes qui suivent s’appliquent aux très bons vins, le haut du panier, que vous avez l’habitude de boire si vous me faites confiance.
Quand boire ses vins ?
La réponse est assez simple en théorie : pas tout de suite, mais sans trop attendre, puis après avoir été patient. Je m’explique :
Pas tout de suite :
Après la mise en bouteille, le divin liquide qui se goûtait si bien en barrique au domaine semble entrer dans une phase de mutisme. La phase de mise en bouteille constitue en effet souvent un petit traumatisme pour le vin.
Il convient de lui laisser quelques semaines, voire 2 à 3 mois.
Sans trop attendre :
La plupart des bons vins, de garde, vont très bien se goûter entre 3 mois et 2 ans environ après la mise en bouteille, puis rentrer dans une phase de fermeture dans laquelle ils deviennent moins expressifs, moins aromatiques et plus tanniques.
Évidemment, vous n’aurez pas, en vin jeune, l’extase du grand vin arrivé à maturité, mais la satisfaction de mesurer le potentiel du vin sans la frustration de vous dire qu’il est beaucoup trop jeune et ne se goûte pas bien.
C’est comme avec les enfants, il y a des satisfactions à tous les âges, il faut juste adapter ses attentes.
Ainsi, nombre de beaux vins de garde 2016, mis en bouteilles en 2018 et qui se goûtaient très bien jusqu’en 2020, semblent se refermer depuis quelques mois. Je n’y touche donc plus.
Les millésimes 2018 et 2019 de ces mêmes vins se goûtent eux encore très bien à l’été 2021.
Après avoir été patient :
La durée pendant laquelle je ne vais plus toucher à mes vins dépend du millésime et du potentiel de garde.
Pour les grands vins, au potentiel de garde d’au moins 10 ans, elle est de 5 à 10 ans. On peut s’autoriser à ouvrir une bouteille durant cette période, mais il faut accepter qu’elle soit potentiellement dans une sorte d’âge ingrat, d’adolescence.
Ainsi, je commence aujourd’hui à ressortir tranquillement les 2009, 2011 et 2012, mais je ne touche plus aux millésimes 2013 à 2017. J’ouvre une bouteille de mes achats de 2018 et 2019, pour en profiter jeunes et me faire une idée de ce que je pourrai en attendre après une garde de 10 ans.
Je modère cette règle pour des vins qui atteignent leur apogée plus rapidement, tels que les Loire et les Beaujolais, plus légers, ou encore certains vins méditerranéens.
Ainsi, un Morgon, avec une « espérance de vie » d’une dizaine d’années, commence à se goûter très bien sur les millésimes 2013, 2014, voire 2015, il faudra patienter un peu plus pour les 2016 et 2017.
Pour les bons vins de plus petite garde (5–6 ans), ce phénomène de fermeture semble ne pas exister. Ces vins progressent tranquillement jusqu’à leur apogée. Je pense en particulier à ce Montpeyroux 2015, qui a toujours été bon et qui me semble à son maximum aujourd’hui.
Enfin :
Il serait dommage d’encaver un carton de 6 bouteilles sans en goûter une jeune. De même, il serait dommage de boire tous ses Cornas ou Côte-Rôtie d’un domaine bien choisi dans les 2 ans suivant leur commercialisation.
Encore que, si vous prenez du plaisir à les boire jeunes, foncez … mais gardez en une bouteille dans un coin de votre cave.
De même garder longtemps des vins mal choisis, mal sélectionnés en pensant qu’ils seront un jour bon est une erreur… mais c’est un autre sujet, celui d’acheter les bonnes bouteilles au bon moment.