Les grands vins ne sont pas le fruit du hasard

Fabrice Beaugrand
5 min readJul 23, 2023

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Les grands vins ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une conjoncture de quatre éléments déterminants :

  • Le terroir
  • Le cépage
  • Le millésime
  • Le vigneron

Le terroir

Le terroir est une notion géographique qui combine la géologie du sol, le climat, la pluviométrie, l’orientation et l’inclinaison des vignes et l’altitude.

Certaines parcelles possèdent le potentiel de produire les raisins nécessaires à l’élaboration d’un grand vin. Le plus frappant est sans doute l’exemple de la Côte de Nuits en Bourgogne, où en moins de deux kilomètres on passe de terres à céréales où on produit des pinots noirs sans intérêt, à des parcelles dont sont issues de sublimes bouteilles de Chambertin.
Je rencontre des vignerons ambitieux qui défrichent certains coteaux, convaincus de leur potentiel qualitatif . Tous les grands terroirs de France ne se sont pas encore exprimés.

Le cépage

Le cépage est la variété du ou des raisins.

Ici aussi il y a une hiérarchie, certains cépages dits nobles sont plus enclins à produire des grands vins que d’autres. en Bourgogne un chardonnay possède un plus grand potentiel qu’un aligot. Chez un producteur alsacien, sa gamme de riesling dominera toujours ses sylvaners. Cette hiérarchie n’est pas figée, il est aujourd’hui possible de rencontrer de grand gamay, cépage qui fut longtemps cantonné en deuxième division, et que dire du chenin de Loire, cépage de seconde zone il y a trente ans, maintenant à l’origine de nombreuses bouteilles de grands vins.

Le millésime

Le millésime, la météorologie du lieu durant le cycle végétatif de la vigne (voire durant l’hiver qui précède) détermine le profil des raisins, leur titre alcoolique (taux de sucre dans les baies qui sera transformé en alcool), l’acidité, le caractère aromatique et l’état sanitaire des raisins au moment des vendanges. Les excès de pluie, de chaleur, le gel, la grêle et les maladies sont autant de paramètres météorologiques qui influent sur la qualité des raisins et donc sur le vin en devenir.

Le raisin est un fruit fragile, il faut beaucoup de soin dans sa culture pour limiter les effets des caprices de la météo.

Le vigneron

Pas de grand vin, sans grand vigneron, il n’y a pas de hasard. L’élaboration d’un vin nécessite tellement d’opérations de la culture de la vigne, à la vinification, en passant par élevage et même la mise en bouteille, que l’excellence du résultat dépend du vigneron, de ses choix, de son savoir-faire et de son talent au sens noble du terme. Il y a beaucoup de secrets de fabrication autour des grands vins qui sont le fruit d’une mûre réflexion des meilleurs vignerons.
De même qu’il y a peu de chefs étoilés, les grands vignerons sont rares. Certains vins peuvent se comparer à un plateau de chez McDo et d’autres à un plat de chez Pierre Gagnaire.

Le vigneron est perpétuellement confronté à des choix stratégiques, challengé par le millésime.
À la vigne, dans ses choix de plantation, de cépage, de porte-greffe, de densité de plantation, de pratique culturale (conventionnelle, permaculture, bio, biodynamie), de taille, d’entretien de la vigne, de traitements.
Dans sa limitation des rendements, qui conditionneront le volume de bouteilles à l’hectare, de faibles rendements sont souvent synonymes de qualité. La date et le soin des vendanges, l’encadrement et le recrutement de vendangeurs méticuleux et précis, le choix des contenants où seront logés les raisins après leur cueillette et la rapidité de leur retour au chai sont des paramètres qui peuvent éviter leur altération durant le transport. Son art de la vinification, le contrôle des températures durant la fermentation, l’usage de levures indigènes ou industrielles, l’usage de soufre et en quelles quantités, le contrôle microbien durant la fermentation.
Puis en phase d’élevage, cette période après la fermentation alcoolique, qui doit terminer le vin avant sa mise en bouteille. Choix du contenant, barrique, cuve inox, béton, terre cuite. S’il s’agit de barriques, en chêne neuves ou déjà utilisées pour les millésimes précédents, de quelles forêts , combien de temps y conserver le vin, avec quels soins, ajuster les niveaux pour compenser l’évaporation et éviter l’oxydation, date de la mise en bouteilles, des bouchons, début de la commercialisation …

La liste est incomplète, mais donne une idée de la multitude de décisions qui rentrent dans le processus d’élaboration d’un vin.
Cette succession d’opérations réalisées avec excellence conduit à l’élaboration des grands vins.
Bien évidement, ce savoir-faire n’est pas à la portée des tous les vignerons. L’exemple le plus parlant est celui de deux frères en Bourgogne ayant hérité chacun de la moitié du domaine de leurs parents, l’un produit des vins dans mon top 5 des meilleurs au monde que je goûte, la production de l’autre est sans intérêt.

Enfin, le grand vin est un concept théorique, il n’existe en fait que de grandes bouteilles que l’on a ouvertes au bon moment, servies à la bonne température et aération et surtout partagées avec les bonnes personnes. Des bouteilles dont on conserve un souvenir indélébile de l’émotion qu’elles nous ont procurée.

Dans un prochain article, j’essayerai de définir le grand vin.

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Fabrice Beaugrand

Fondateur du cercle Beaugrand Vins, www.beaugrandvins.com. Co-fondateur des guides des vins de la Tulipe Rouge, animateur clubs d’œnologie. #vin #vins