Le Terroir, cette notion très française

Une alchimie entre sol, climat, cépages et Homme

Fabrice Beaugrand
7 min readJan 4, 2025

Le vin est bien plus qu’un produit agricole. Il est l’expression d’un lieu, d’un savoir-faire, d’une alchimie unique que l’on nomme TERROIR.

Il s’agit d’une notion très Français et assez rarement mise en avant à l’étranger.
Le mot “terroir” est d’ailleurs utilisé tel quel en anglais, sans traduction directe.

Ce concept central en viticulture regroupe l’ensemble des facteurs naturels et humains qui influencent l’identité d’un vin : Le SOL, le CLIMAT, LES CÉPAGES et L’HOMME

Le Sol : La Fondation du Terroir

Le sol nourrit la vigne et façonne la typicité des raisins. En France, la diversité des sols géologiques est exceptionnelle, jouant un rôle clé dans la qualité et le style des vins.

sous sol calcaire

Les sols calcaires, sont présents en Bourgogne, Champagne et dans la vallée de la Loire. Ils favorisent une acidité naturelle élevée, essentielle à la fraîcheur et à la longévité des vins. Les chardonnays de Chablis et les sauvignons de Sancerre en sont de brillants exemples.

Les schistes, avec leur capacité à emmagasiner et restituer la chaleur, apportent intensité et structure aux vins. Ils se retrouvent dans des appellations comme Faugères et Savennières, où ils produisent des rouges concentrés et des blancs tendus et minéraux.

Les argiles, denses et riches en nutriments, sont idéales dans des climats chauds, où elles assurent une régulation hydrique parfaite. À Pomerol, l’argile confère au merlot une profondeur et une opulence remarquables.

Les sols sableux, légers et drainants, limitent la vigueur de la vigne, favorisant des raisins concentrés. Ils produisent des vins élégants aux tanins fins, comme ceux de Rayas à Châteauneuf-du-Pape, bien que parfois jugés moins complexes que ceux issus d’argiles ou de calcaires.

Les galets roulés, emblématiques de la vallée du Rhône méridionale, emmagasinent la chaleur pour la restituer la nuit, créant des vins riches et opulents.

Enfin, les sols granitiques, pauvres et drainants, présents dans le Beaujolais ou la vallée du Rhône septentrionale, renforcent l’expression minérale et la fraîcheur des crus comme Moulin-à-Vent ou les syrahs de Saint-Joseph.

La Topographie : L’Influence Cachée

la topographie joue un rôle déterminant dans l’expression du terroir.

  • Exposition : Les vignes orientées plein sud captent davantage de lumière et de chaleur, favorisant la maturation des cépages tardifs.
  • Altitude : Plus les vignes sont plantées en altitude, plus les températures nocturnes sont fraîches, ce qui préserve l’acidité et favorise la complexité aromatique.
  • Proximité d’un plan d’eau : mers , rivières ou lacs modèrent les températures extrêmes, créant un microclimat favorable à la vigne.

Le Climat : L’Orchestre du Terroir

Le climat régule la croissance des vignes et conditionne l’équilibre des raisins.

Le climat méditerranéen, avec ses étés chauds et ses faibles précipitations, favorise des vins puissants et riches, marqués par des arômes de fruits mûrs et d’épices, comme ceux de Châteauneuf-du-Pape ou des Côtes de Provence.

Le climat océanique, caractérisé par des températures modérées et une pluviométrie bien répartie, est idéal pour des cépages comme le cabernet sauvignon et le sauvignon blanc. À Bordeaux, il assure une maturation lente, préservant l’acidité et la fraîcheur, essentielles à l’équilibre des vins rouges complexes de Pauillac ou des blancs vifs du Muscadet.

Le climat continental, avec ses amplitudes thermiques marquées, est parfait pour les cépages délicats comme le pinot noir et le chardonnay. En Bourgogne, il sublime l’élégance et la finesse des grands crus de la Côte de Nuits et des blancs de la Côte de Beaune. En Champagne, il confère aux raisins une acidité élevée, indispensable à l’élaboration de champagnes précis et complexes.

Le climat montagnard, présent dans les vignobles d’altitude comme la Savoie ou le Jura, préserve l’acidité et favorise la fraîcheur des cépages. Les blancs minéraux de Chignin-Bergeron et les vins jaunes du Jura sont des exemples emblématiques de cette influence climatique.

Le Millésimes: la variable d’ajustement

Chaque millésime est unique, reflétant les conditions climatiques de l’année. Les sécheresses estivales, les gelées printanières ou les pluies au moment des vendanges modifient le profil des raisins et, par conséquent, le style des vins.

Les Cépages : L’Interprétation du Terroir

Les cépages sont une composante essentielle du terroir, incarnant l’identité et les spécificités d’une région viticole. Leur choix, souvent fruit d’une tradition séculaire, reflète une adaptation historique aux conditions locales de sol et de climat.

Le rôle des cépages dans le terroir

Chaque cépage possède des caractéristiques propres — arômes, structure tannique, maturité — qui interagissent avec l’environnement pour créer des vins singuliers. Par exemple, le pinot noir, très sensible au climat et au sol, révèle avec précision les subtilités des terroirs bourguignons. À l’inverse, des cépages comme le syrah ou le mourvèdre, plus robustes, s’épanouissent dans des climats chauds, produisant des vins riches et puissants.

L’adaptation des cépages au sol et au climat

Les sols influencent directement la physiologie des cépages en modulant la nutrition hydrique et minérale :

  • Le chardonnay exprime une grande élégance sur les calcaires de Bourgogne, donnant des vins tendus et complexes.
  • La syrah, sur les sols granitiques du Rhône septentrional, développe des arômes épicés et une texture soyeuse.
  • Le cabernet franc, sur les sols argilo-calcaires de la Loire, produit des rouges élégants, structurés, aux arômes de fruits rouges.

Le climat joue également un rôle clé. Les cépages tardifs comme le mourvèdre nécessitent des climats chauds pour mûrir pleinement, tandis que les cépages précoces comme le riesling prospèrent dans des climats frais, où ils conservent une acidité vive et une grande complexité aromatique.

L’Homme : L’Artisan du Terroir

Le vigneron est au cœur de l’expression du terroir. Véritable artisan, il traduit la complexité de la nature en prenant des décisions éclairées, tant à la vigne qu’au chai.

À la vigne : Créer l’équilibre

Les pratiques viticoles jouent un rôle déterminant dans la qualité des raisins et leur capacité à exprimer le terroir. La densité de plantation, par exemple, influence profondément le comportement des vignes. Une densité élevée pousse les racines à chercher leurs nutriments en profondeur, captant ainsi les caractéristiques uniques du sous-sol.

La taille de la vigne, autre facteur clé, permet de réguler la répartition de l’énergie entre le feuillage et les grappes. Une taille bien adaptée favorise une maturité homogène des raisins et une concentration optimale des arômes.

La gestion du sol, qu’il s’agisse de travailler le sol pour stimuler l’activité microbienne ou d’adopter des pratiques enherbées pour limiter l’érosion, contribue également à la santé globale du vignoble.

Au chai : Affiner l’expression

Le travail en cave prolonge celui effectué à la vigne, transformant les raisins en vin tout en respectant leur identité. Chaque étape de la vinification est une occasion pour le vigneron d’affiner l’expression du terroir.

L’utilisation de cuves en béton ou en acier inoxydable permet de préserver la pureté des arômes primaires et de mieux contrôler les fermentations.

Les fermentations naturelles, réalisées avec les levures indigènes présentes sur les raisins, permettent d’accentuer l’authenticité du vin et de refléter la singularité du millésime et du terroir.

L’élevage qui suit en fûts de chêne peut apporter structure, rondeur et des arômes secondaires tels que la vanille ou les épices, sans masquer les caractéristiques fondamentales du vin.

Certains vignerons optent également pour des interventions minimalistes, limitant l’ajout de sulfites ou renonçant à la filtration, afin de conserver l’intégrité du vin.

Adaptabilité et innovation

Chaque décision du vigneron est influencée par des conditions changeantes, comme les aléas climatiques ou les particularités du millésime. Cette adaptabilité est au cœur de son métier. Parfois, il doit innover, en expérimentant de nouvelles techniques ou en s’inspirant de pratiques anciennes pour répondre aux défis actuels.

L’harmonie entre nature et humanité

En fin de compte, le vigneron est bien plus qu’un simple technicien : il est le garant d’un équilibre entre les forces naturelles et les interventions humaines. À travers son savoir-faire, il sublime la vigne, le sol et le climat, créant des vins qui racontent une histoire, celle d’un lieu unique et d’une année particulière. Ce dialogue entre l’homme et la nature est l’essence même du terroir.

Le terroir viticole est une symbiose entre sol, climat, le raisin et savoir-faire humain. Chaque élément contribue à ce que chaque vin soit unique.

Il faut reconnaitre que l’on a de la chance en France, aucun autre pays dans le monde n’a autant de paramètres variables qui font la richesse de notre vignoble.

Fabrice Beaugrand : Explorateur de vignoble, obsédé de vin.
Dégustateur professionnel, fondateur du guide La Tulipe Rouge et du cercle Beaugrand Vins.

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Written by Fabrice Beaugrand

Fondateur du cercle Beaugrand Vins, www.beaugrandvins.com. Co-fondateur des guides des vins de la Tulipe Rouge, animateur clubs d’œnologie. #vin #vins

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